TEXTES DU MOIS
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WAR GAME
Je vois un soleil d'Orient
s'obscurcir comme par une journée d'éclipse
et la nuit se parsemer de météores
qui s'abattent sur des fantômes mouvants.
Je vois l'ombre des architectures
fustigée par des rafales d'étoiles
et le macadam avoir la brillance
d'une mer d'huile ou s'engluent les vivants.
Des lasers crachent des tisonniers rougis à blanc
et les missiles piratent les villes
Tout cet artifice de lumière féconde mon regard
et je me mets à hurler "C'est l'enfer, c'est la guerre
Ce ciel est mangeur d'homme ! "
A l'écran, ce spectacle a pour nom war game
Mais ce n'est pas un jeu d'enfants, il tue les innocents !
Les tympans implosent pendant que les bombes explosent
Entre flamboiement et obscurité
des spectres s'agitent comme les figurants dans un film.
Après tant de journées d'incendies
écoute la clameur de tous ceux qui crient
"Halte à la guerre, halte à l'enfer ! "
Généraux et politiques nous croient atteints de cécité
Mon poème prend la liberté de dire la vérité
même si les Yankees battent le rappel des coyotes
et veulent devenir les pilotes d'un ordre nouveau
qui mettra dans les fers des populations entières
Halte à la guerre, halte à l'enfer
La paix dans le monde, la paix pour toujours
avant qu'un soleil devenu fou ne soit au rendez vous !
Le Nuremberg des vainqueurs
On ne parle pas d’Hiroshima
On n’écrit
rien sur Hiroshima
On ne
diffuse rien sur Hiroshima
On n’étudie
rien d’Hiroshima
Il ne
s’est rien passé à Hiroshima.1
Même lorsque les commandos imposent le silence
Rien ne peut empêcher le réveil des consciences.
L’angoisse des mondes s’est concrétisée ce jour-là
L’Apocalypse n’était plus science fiction
Et tel un cri sorti de la terre, des poitrines des hommes,
Des entrailles de la femme, par-dessus les océans,
Par-dessus les montagnes, par-dessus les volcans,
Il est une rumeur, il est une pensée commune
« Plus jamais Hiroshima ! »
Ils étaient un peu plus de soixante dix huit mille
Le chiffre est donné. Mais au travers de la statistique
Ce sont des milliers de regards humains agonisants
Ce sont des corps liquéfiés dans l’asphalte brûlant
Ce sont les plaies béantes jamais cicatrisées
Ce sont les courses folles vers le fleuve Otha
C’est un chien qui hurle, figé, les pattes engluées
1 Selon « Le Courrier de l’UNESCO » (N° commémorant le 25e anniversaire d’Hiroshima), le Gouvernement US a interdit d’évoquer la bombe d’Hiroshima dans les années qui suivirent l’explosion.
C’est la projection d’un homme sur une ruine1
Spectre hideux, témoignage d’une préexistence
C’est la folie d’un moment chaque jour répétée
Car la femme engrossée ausculte avec angoisse son sein
Et l’homme surveille la blessure prête à gonfler.
C’était une guerre. Non, c’était un anéantissement.
Dachau n’est rien à côté de la ville expérimentale.
C’était une expiation. Mais T’ien-tsin bombardée
La flotte de Pearl Harbour coulée, la prise de Manille
Ne hantent pas les consciences humaines :
C’était dans la règle du jeu.
On va fleurir les tombes de ces gens-là
Leurs noms sont sur les monuments funéraires
Il n’y a pas de tombes à Hiroshima.
« La plus
sensationnelle réussite scientifique de l’Histoire »
a dit un Président
Un Pasteur a béni l’avion porteur de l’engin
et a prié pour le succès de l’entreprise.
L’Eglise et l’Etat. Dieu et César
réunis dans un même complot
Mais on ne fait pas le procès des puissants de la terre
Ils sont au-dessus des lois puisqu’ils sont la Loi.
Pourtant une rumeur gronde, s’amplifie, se démesure
« Plus jamais Hiroshima ! »
« Les Imageries »
Prix Découverte Poésie 1970
2ème éd. J.Germain, Bordeaux.
1 Au Musée d’Hiroshima, on peut voir, sur un vestige de pan mural, l’ombre projetée d’un homme qui témoigne de sa présence lors de l’explosion
d'après la bande dessinée "Lili
Fatale"
L'amour
m'agrippe
Le
malin me prend aux tripes.
Je suis Franz le mercenaire
de la tribu des Bomilongos
qui ne peut se passer de Lili fatale
qui met K.O même les plus gros
avec une méthode sans pareille,
la chatouille, opération-choc
et tous d'avoir le ventre en l'air !
L'amour
m'agrippe
Le
malin me prend au tripes.
Je suis Guloso le président
d'un petit morceau d'Afrique
qui ne peut se passer de Viviane le mannequin
qui fait de la moto
mieux qu'un champion de rodéo.
L'amour
m'agrippe
Le
malin me prend aux tripes.
Je sui Hihan-Su l'espion chinois
ou John de la Cia ou pourquoi pas
Aliocha Strogonov l'envoyé soviétique
qui ne peuvent se passer des sveltes négrillonnes
qui permettent aux agents secrets
de lorgner un petit peu d'Afrique.
L'amour
m'agrippe
Le
malin me prend aux tripes.
Je suis une armée de guérilléros
financée par un superman discret,
les héros de la révolution
ont besoin de grosses négresses.
Dans la nuit leurs seins ronds
les font rêver aux boulets de canons.
L'amour
m'agrippe
Le
malin me prend aux tripes.
Michelle Meyer,
Ed. Prospective 21 « Nouvelle Bilitis », 1979.
Suite de triolets.
Il est une femme, véritable sirène,
Son regard a plus de pouvoir qu'un talisman.
Au château de Houngerstein, elle vit en reine,
Il est une femme, véritable sirène.
Sur les coeurs, elle règne en grande souveraine,
Elle attire les jeunes gens tel un aimant.
Il est une femme, véritable sirène,
Son regard a plus de pouvoir qu'un talisman.
A Houngerstein, n'allez point voir la belle dame,
Un seul clin d'oeil suffit pour vous ôter la vie!
Tous de vouloir en secret la prendre pour femme,
A Houngerstein, n'allez point voir la belle dame!
Guillaume lui-même vient d'y perdre son âme;
Sa colère tente de cacher son envie.
A Houngerstein, n'allez point voir la belle dame,
Un seul clin d'oeil suffit pour vous ôter la vie!
Ils ont conduit la châtelaine au bord de l'eau,
Ses yeux ont tant fait souffrir qu'elle doit payer,
Le prix du sang pour avoir causé tant de maux,
Ils ont conduit la châtelaine au bord de l'eau.
Sa personne est entre les mains du noir bourreau,
Le serpent qui séduit a le don d'effrayer!
Ils ont conduit la châtelaine au bord de l'eau,
Ses yeux ont tant fait souffrir qu'elle doit payer.
Les larmes de la belle arrosent la vallée,
Ruisseaux et torrents sont clairs comme ses yeux
clairs.
On parle de la châtelaine à la veillée,
Les larmes de la belle arrosent la vallée.
Dans les soirs de brume et les matins de gelée,
Elle veut vous envoûter. Oh! fuyez son doux air!
Les larmes de la belle arrosent la vallée,
Ruisseaux et torrents sont clairs comme ses yeux
clairs.
Michelle Meyer
« Je te raconterai mon pays » Collection Marginale 1978
Prix de l’Académie Française, Fondation Roberge.
Réédition Styl’Innov « Je te raconterai l’Alsace » 1990.
*Histoire véridique du XVème siècle qui s'est déroulée dans la région de Guebwiller (Ht-Rhin). La châtelaine de Houngerstein ruina bien des fortunes et des respectabilités. Guillaume de Ribeaupierre, Landvogt de Haute-Alsace, s'en serait lui-même épris et son acharnement contre la belle serait dû à cet amour maheureux. Dans le texte complet rédigé en prose par l’auteur, chaque triolet créé clôt une étape de la vie de l’héroïne.
Chanter les harmonies de la Terre et de l’Eau
Surtout pas un seul mot sur la faim, l’esclavage
Tout est suc et jasmin sur ce plaisant rivage
Le travailleur se meurt, le riche a son château.
Lorca, Che Guevara, dans un temps à vau-l’eau
Sans trophées et sans or, mais d’une foi sauvage
Dénonciez les traîtres, ceux de l’aréopage
Et demeuriez les féaux du Juste et du Beau.
Ce chant est chant du Monde, épopée de la Terre
Qui dit aux faibles, aux victimes de la guerre
Aux exploités dont le Capital se repaît
A tous les opprimés, brisez vos servitudes
La Liberté n’est pas dans les béatitudes
Faites un monde juste et vous serez en Paix.
Michelle
MEYER
Prix de Poésie Europe.Unie
décerné par le Conseil Mondial de la Culture.
1972 Balerna
(Suisse).
None knew them
They were strangers
Their native houses were stony coffins
Their mother country divided like a patchwork
They were Princes with gipsy eyes
Kings of a crumbled State, they must be.
The brave lads blown across the world
Ran away out of the devil’s mouth
They talked a strange tongue.
In the dark, they were all gone
They fled out of those roaring days
Their cities were faceless like a ghost
This unfortunate people had gone
Only the cold stars walked with them
On which road ?
None knew where.
In the night, a fugitive came knocking
And my door swinged open
He charmed me with ancient songs
Stranger, the sun shall shine before thy music dies.
Michelle Meyer
August
1997.
(traduction par l’auteur de son poème écrit en anglais.)
Personne ne les connaissait
C’était des étrangers
Leurs maisons natales étaient cercueils de pierre
Leur mère patrie divisée tel un patchwork.
C’était des Princes aux yeux bohémiens
Rois d’un Etat désagrégé, sans aucun doute.
Les valeureux garçons lancés à travers le monde
s’échappaient de la gueule du démon.
Ils parlaient une langue singulière.
Dans l’ombre, ils étaient tous partis
Ils fuyaient ces journées de fureur
Leurs villes étaient sans visage, fantomatiques
Ce peuple malheureux s’en était allé
Seules les froides étoiles les accompagnaient.
Sur quelles routes ?
Personne ne le savait.
Dans la nuit, un fugitif vint frapper à ma porte
Qui s’ouvrit doucement
Il me charma avec des chants anciens
Etranger, le soleil brillera avant que ta musique ne s’éteigne.
Michelle Meyer
Août 1997.